Environnement Lançonnais

Perturbateurs endocriniens : la Suède va poursuivre la Commission devant la CJUE

mardi 4 mars 2014 par Alain KALT (retranscription)

Le 03 mars 2014 par Marine Jobert

L’enfant à naître, en première ligne.

Stockholm ne s’en laisse pas conter dans le dossier des perturbateurs endocriniens : la Suède vient de sommer la Commission européenne de s’expliquer sur sa décision de reporter sine die l’annonce des critères scientifiques retenus pour définir ces substances chimiques qui perturbent le système hormonal. Officiellement, Bruxelles attendrait la réalisation d’une évaluation de l’impact économique. Mais le royaume scandinave considère que ce retard est incompatible avec l’enjeu sanitaire posé par les PE.

Selon des documents que Le Journal de l’environnement a pu consulter, la Suède vient d’amorcer la première étape de ce qui pourrait se transformer en un recours en carence contre la Commission européenne. Rarement mise en œuvre, cette procédure permet à un Etat de faire condamner une institution, un organe ou un organisme de l’Union européenne qui aurait fait preuve « d’inaction ». Dans un courrier envoyé le 27 février, le gouvernement suédois fait grief à la Commission de son inaction dans le délicat dossier des perturbateurs endocriniens (PE). Bruxelles dispose de deux mois pour répondre, au terme desquels Stockholm se réserve le droit d’introduire le fameux recours en carence, si les explications fournies ne lui semblent pas convaincantes. C’est à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qu’il reviendra alors de contrôler la légalité de cette absence ou de cette omission d’agir.

Etude d’impact

Si l’acte posé par la Suède est en apparence formel, il est pourtant diplomatiquement fort, dans un dossier économiquement et politiquement sensible. Dès le mois d’octobre dernier, le Royaume s’inquiétait : Bruxelles risquait de reporter l’annonce (prévue au plus tard le 13 décembre 2013) des critères scientifiques retenus pour définir ces substances chimiques qui perturbent le système hormonal. Source de son inquiétude : le lancement surprise d’une évaluation de l’impact économique qu’engendrerait l’édiction de cette définition, annoncée pour mars 2014 (et qui, pour l’heure, n’a pas connu de développements).

Industrie à la manœuvre

Un revirement qualifié de « contre-feu » de l’industrie par le député français Jean-Luc Roumégas. Dans un récent rapport d’information consacré à la stratégie européenne sur les PE, l’élu écologiste dénonçait une tactique éculée, « clairement suscitée, naguère, par l’industrie du tabac (…) Les lobbies industriels résistants à la réglementation ont donc atteint leur meilleur objectif possible au vu du consensus scientifique récemment acté : reporter l’échéance au-delà d’un scrutin [les élections européennes] qui, espèrent-ils, verra se renforcer les effectifs des députés eurosceptiques, opposés par principe aux réglementations communautaires contraignantes ». Ce changement de stratégie avait été obtenu après une controverse montée de toutes pièces par des scientifiques, dont la journaliste Stéphane Horel avait démontré les liens forts qu’ils entretenaient avec l’industrie du secteur.

Critères « retardés »

Interpellé dès le mois d’octobre 2013 par Lena Ek, ministre suédoise de l’environnement, Janez Potocnik, le commissaire européen à l’environnement avait pris son temps pour répondre… Quatre mois plus tard, il rédigeait une lettre peu convaincante. « Etant donné les interpellations relatives aux possibles impacts significatifs associés à tel ou tel choix particulier de critères et le vigoureux débat qui a eu lieu l’été dernier dans la communauté scientifique sur les PE, la Commission a décidé de mener à bien une étude d’impact, en retenant plusieurs options selon les critères et pour leur mise en œuvre », détaille Janez Potocnik. En conséquence, explique-t-il, « les critères [pour les PE] sont malheureusement retardés ». Mais à toute chose malheur est bon : « Cela permettra de prendre une décision informée et d’assurer la consultation de toutes les parties prenantes[1]. »

Réactions françaises

La nouvelle de la démarche suédoise ravit Michèle Rivasi, eurodéputé écologiste. « Alors que c’est toujours la Commission qui poursuit les Etats qui ne respectent pas les directives, cette ministre suédoise somme courageusement la Commission de prendre une décision », se félicite cette membre active de la commission chargée de réfléchir à la stratégie nationale sur les PE, lancée l’an passé par la France. Le député de l’Hérault, Jean-Louis Roumégas, estime pour sa part que « la France doit suivre cet exemple », et appelle « tous les Etats à faire de même pour sortir de l’enlisement dans lequel se trouve l’Europe dans ce dossier ». Philippe Martin, qui rencontrait ses homologues européens à Bruxelles aujourd’hui, aura-t-il eu vent de l’initiative suédoise ? « Je vais lui envoyer un message pour qu’il lance une pétition en direction de la Commission ! », conclut Michèle Rivasi.


[1] Une consultation publique est en effet prévue à compter de… janvier 2014, mais rien n’a été annoncé à ce jour.

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