Environnement Lançonnais

Nuage radioactif : et si ça durait des mois ?

jeudi 24 mars 2011 par Alain KALT (retranscription)

Écrit par Yves Heuillard Le 23 mars 2011

L’idée d’un nuage aussi faiblement radioactif soit-il passant dans le ciel français, ne rassure pas. Il faut dire qu’en France la protection de la santé publique a son péché originel avec le mensonge de Tchernobyl. Cette fois, il n’y aura pas de mensonge, vous saurez tout, c’est promis. Et d’ailleurs il n’y a pas de risque. Le nuage de Fukushima, après avoir fait les deux tiers du tour du globe, s’est largement dispersé. Mais là bas au Japon, Fukushima continue de rejeter de la radioactivité dans l’air. Alors un insignifant nuage, suivi d’autres insignifiants nuages, pendant des mois peut-être, est-il toujours un insignifiant nuage ? [Photo DDmagazine]

Le problème que nous posons est celui des faibles doses. En la matière, la théorie appliquée depuis 40 ans par les services de protection contre la radiocativité est la suivante : il n’y a pas de seuil en dessous duquel la radioactivité n’aurait pas d’effet sur les mécanismes biologiques. Cette théorie appelée, "linéaire sans seuil", est la théorie la plus largement utilisée pour définir les politiques de santé publique (1), bien qu’il existe une controverse sur le sujet (2).

De cette théorie, il ressort que les effets se cumulent. La dose reçue aujourd’hui, s’ajoute à celle d’hier, qui s’ajoute à celle du mois précédent, et ainsi de suite. C’est la raison pour laquelle, les spécialistes de la radioprotection calculent des limites de doses sur un an, voire sur toute la vie.

C’est encore la raison pour laquelle, on veillera à ne pas faire subir trop de radiographies ou de scanners à un même patient dans un laps de temps trop court, alors que chaque examen pris individuellement ne présente aucun risque, ou si peu. Mais la comparaison avec la radiographie n’est pas tout à fait juste. Car quand vous sortez de chez le radiologue, le rayonnement ne perdure pas, votre corps n’a été soumis au rayonnement qu’une fraction de seconde. Avec la radioactivité, les choses sont différentes. Inhalées, absorbées avec les aliments ou avec l’eau de boisson, les particules radioactives peuvent se fixer, dans les poumons, les os, le foie, les reins...

C’est un peu comme si vous sortiez de chez le radiologue en ayant avalé l’appareil de radiologie ; enfin un peu, un tout petit, petit, petit peu.. Selon la nature des particules, selon les organes où elles se fixent, cette radioactivité retenue (engagée disent les experts) perdure, quelques heures, quelques jours, quelques années, ou la vie durant.

Du potassium radiaoctif dans votre corps Mais notre corps contient déjà des éléments radioactifs naturels. Par exemple il contient de l’ordre de 150 mg de potassium, dont 0,02 % est radioactif, ce qui représente 30 millionièmes de gramme provoquant environ la moitié du rayonnement radioactif émis par les cellules de notre corps (source Wikipedia). Mais c’est rien vous dites vous ! Oui et non. 5000 fois par seconde, des cellules de votre corps sont titillées par cette radioactivité du potassium. Les cellules sont programmées pour se réparer, se régénérer - jusqu’à un certain point... C’est le sujet de la radiobiologie, l’étude des rayonnements sur le vivant.

Quelques millionièmes de gramme... Vous vous souviendrez peut être de l’affaire Alexandre Litvinenko, cet espion russe assassiné à Londres le 23 novembre 2006, avec du polonium, un corps radioactif très difficile à détecter. Selon Scotland Yard, quelques millionièmes de gramme suffirent. Finalement vous dites-vous que quelques millionièmes de gramme ce n’est pas vraiment rien.

Alors le nuage, dangereux ? Alors le risque que vous fera subir le nuage radioactif, aujourd’hui, demain, après demain, est-il si proche de zéro ? Vraisemblablement. Mais personne n’a dit que les émissions radioactives des centrales japonaises étaient arrêtées. Et si elles duraient des mois ? Et si vous aviez déjà ingéré quelques doses de radioactivité, considérées elles aussi comme insignifiantes, en mangeant cette omelette aux cèpes, la semaine dernière ; et ces harengs ingurgités le mois dernier, qui contenaient peut être quelques pouillardièmes de la radioactivité rejetée à la mer par une usine de retraitement du combustible nucléaire par exemple. Pris individuellement chaque événement est insignifiant, sans risque ; nul et non avenu. Mais ajoutés ?

La radioactivité ne tue pas de façon déterministe Nous avons vu que les effets de la radioactivité n’ont pas de seuil (du moins c’est la théorie la plus utilisée) ; et qu’il faut considérer les effets ajoutés de petites doses dont personne ne peut dire si vous les avez reçues, mais dont la probabilité augmente avec le développement des activités industrielles, pas seulement nucléaires d’ailleurs.

Mais soyez rassuré, il n’y aucun risque, parce que la radioactivité ne tue pas. Enfin oui, elle vous tuerait en moins de 20 secondes si vous vous approchiez d’une de ces barres de combustibles usés que l’on vient de sortir d’un réacteur nucléaire. Mais quelle idée ! Sauf accident personne ne ferait ça.

Non, à petit dose la radioactivité n’a jamais tué personne car elle ne tue pas de façon déterministe. Elle tue, mais on ne sait pas qui elle tue. Elle tue stochastiquement, statistiquement si vous préférez. Les experts sont capables de calculer combien de morts fera la radioactivité rejetée dans l’environnement par un réacteur nucléaire en fonctionnement normal, ou par 50 ou 100 réacteurs, mais personne ne saura jamais qui en est mort. "Cancer", dira-t-on.

Ceci n’est pas propre au nucléaire, c’est le propre de la société industrielle. Les experts calculent des risques considérés comme acceptables par la société eu égard aux avantages procurés par une technologie. Mais comparés aux risques de la circulation automobile et même de la pollution automobile, ou des pesticides, ceux du nucléaire présentent un avantage intéressant : la radioactivité est invisible, inodore, sans saveur, et difficile à détecter pour le quidam. Les conséquences sur la santé à 10, 20 ou 30 ans de faibles doses répétées sont difficiles à établir. D’où la tentation du mensonge, de l’information partielle, d’un risque qui serait considéré comme acceptable pour ceux qui n’ont pas leur mot à dire, au régard des avantages procurés à d’autres.

Références

1) "Use of this so-called linear, non-threshold hypothesis or LNT, is considered by the Commission to be the best approach to managing risk from radiation exposure". Extrait des recommandations de la Commission intrenationale de radioprotection (ICRP).

2) Cancer risks attributable to low doses of ionizing radiation : Assessing what we really know - Proceedings of National Academy of Sciences of the United States of America


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